épargne en Bretagne

Et si l’épargne des Bretons soutenait l’économie bretonne ?

de Yves BRUN
Publié le Dernière mise à jour le

L’épargne est une des composantes du circuit économique

L’épargne se définit comme « la part de revenu disponible des ménages qui n’est pas utilisée en dépenses de consommation finale ». Elle est cette mise en réserve en vue d’une dépense future ou  d’un investissement. Ainsi elle peut donc prendre différentes formes : liquide (monnaie, comptes bancaires) ou solide, c’est-à-dire investie dans des biens productifs ou immobiliers.

En réalité le taux d’épargne des français est un des plus élevé d’Europe. Ce taux d’épargne est de 14.50% en 2015 et le montant annuel est de 196 Md€. [le taux d’épargne est le rapport entre l’épargne des ménages et leur Revenu Disponible Brut. Le RDB est l’ensemble des revenus perçus majorés des revenus de transfert (prestations sociales) et diminués du montant des impôts et cotisations sociales – INSEE]

Ce taux est ventilé en 8.6% en logement et 5.5% en épargne financière.

Le taux d’épargne financière est toujours inférieur au taux d’investissement en logement. Dans les placements financiers, il y a le constat d’une décollecte sur les livrets, un maintien sur l’assurance vie et épargne retraite et une fuite sur les actifs risqués. Le taux de détention d’action continue de baisser : 13% en 2009 pour 6.6% en 2015.

La Bretagne possède un stock d’épargne de 80Md€

Au niveau patrimonial, l’épargne financière (hors immobilier) représente  4 258 Md€. Nous rappelons que le PIB en France pour 2015 s’élève à 2 181 Md€ et que la dette des administrations publiques 2 097 Md€ pour la même année pour avoir une idée de ce chiffre.
L’épargne des ménages français est drainée par les produits réglementés. Qui sont principalement les livrets d’épargne, plan d’épargne et assurance vie.

Elle se décompose ainsi :

  • Assurance vie 37%.
  • Actions non cotées et participations 18%.
  • Dépôts et numéraires 16%.
  • Épargne réglementées 15%.
  • Titres cotés 13%.
épargne

La Bretagne possède une épargne de 80 milliards d’euros

Pour une fois en économie, les français sont de bons gestionnaires.

L’épargne annuelle s’élève à 74 Md€ soit 6 Md€ par mois.
La Bretagne montre en plus une caractéristique, non pas liée, comme nous pourrions le penser, à la présence toujours appréciée de nos amis bigoudens mais probablement due à la proportion de retraités sur notre territoire. En effet la Bretagne est dans le peloton de tête avec 24593 € d’encours d’épargne par habitant. Ce qui nous conduirait à un stock d’épargne (hors biens immobiliers) de 80 milliards d’euros approximativement.

Quelle utilisation de cette épargne ?

La question ensuite est de savoir ensuite comment est utilisée cette épargne. La réponse semble nous être fournie par la Caisse des dépôts dans une étude parue dans la revue « Éclairages  » qui avait pour objet d’analyser les disparités entre les lieux de collecte et les lieux d’affectation des prêts.
La conclusion du rapport  est que l’épargne est réallouée à hauteur de 85 % sur le même territoire et que les 15 % circulent. Il faut souligner que dans ces 15 % voyageurs : « la vaste moitié ouest, le nord est participent au financement des grandes métropoles : Ile de France, Lille, Lyon et le littoral languedocien ».

A qui profite l’épargne bretonne ?

Dans le  climat des difficultés que nous traversons, il est légitime de s’interroger sur l’allocation de cette épargne pour soutenir une économie régionale. Pour soutenir la « vraie économie » et non pas les pratiques spéculatives de nombreux établissement financiers.
Le montant des ressources nécessaires existe, sur notre territoire. L’épargne privée pourrait aider à (re)vitaliser le tissu des PME. Le problème est l’existence d’une aversion pour le risque. Probablement lié à la bulle internet, à la crise financière de 2008 mais aussi à une méconnaissance ou une mauvaise considération des entreprises et de ses dirigeants.
L’état d’esprit reste généralement dans une attitude de protection du patrimoine. Et non pas de fructification et d’une quelconque prise de risque dans l’économie.

Réorienter notre épargne.

La réorientation de l’épargne vers le financement de l’économie reste un vœu pieux. Mais tout le monde s’accorde à dire que l’épargne de proximité dans les entreprises locales est un puissant vecteur de renforcement des économies territoriales. De plus, nous pensons qu’il  ne faut pas négliger l’aspect psychologique. L’épargne touche à l’intimité de la personne, à la vision de l’avenir, aux liens avec son territoire, à la vie envisagée et au  sens donné à tout cela.

Quels outils permettent l’utilisation de l’épargne dans les entreprises locales ?

Ainsi il existe les Fonds d’Investissement de Proximité (FIP). Dont 70 % au moins des investissements doivent être réalisés dans des PME situées dans une zone géographique comprenant quatre régions limitrophes. Au titre de leur quota de 70 % minimum, les FIP doivent investir dans des entreprises ayant le statut de PME européenne. C’est-à-dire dont l’effectif est inférieur à 250 personnes. Et dont le chiffre d’affaires n’excède pas 50 millions d’euros ou dont le total du bilan annuel n’excède pas 43 millions d’euros.

Un FIP ?

Ils collectent les fonds auprès des particuliers, et des personnes morales de droit privé. Un FIP est un fonds commun de placement qui investit dans les sociétés non cotées. Il a l’obligation d’investir dans trois régions administratives mais la collecte n’est pas territorialisée. Cela donne droit à la personne physique qui apporte son financement à un avantage fiscal. C’est une réduction de 18% du versement dans la limite de 12000€  pour un célibataire et 24000€ pour un couple. Cette réduction entre dans le champ du plafond global de 10000 € de réduction.

En 2015, la collecte sur les FIP a été de 490 Millions d’€ mais la répartition territoriale actuelle néglige totalement l’ouest de l’Hexagone et en particulier la Bretagne. La carte des investissements FIP montre une ligne de concentration allant de l’Ile de France à la région PACA en passant par la région lyonnaise.

La place d’échange

La création d’une place d’échange reliant les entreprises à leur territoire pourrait être une voie possible. Mais l’exemple de la CCI de Lyon Métropole montre  un échec et une fin de partie pour «  la Place d’Échange ». Cette bourse de proximité n’a pas réussi à attirer les investisseurs du terroir pour financer des PME et PMI sur la base de tickets inférieurs à un million d’euros. Créée en 2013 elle n’a pu lever que 1,3 million d’euros au bénéfice de deux entreprises.

Il existe aussi la Coopérative en finances solidaires : c’est l’exemple de LA NEF plutôt réservé aux TPE voir PME et aussi l’exemple de la Caisse Solidaire de l’épargne et de l’emploi en Nord pas de Calais.
Enfin le crowdfunding qui est en vogue et reste  réservé  pour des petits et  moyens projets en appoints et dont la fiscalité n’est pas encore tout à fait stabilisée à notre avis.

épargne

L’épargne des Bretons est un formidable levier de développement pour la Bretagne

Alors que faire en Bretagne pour mobiliser cette épargne ?

Nous pouvons nous permettre de rêver que 1% de cette épargne territoriale représenterait 800 millions d’euros. En fait elle permettrait d’être un outil de maintien de nos belles entreprises. La prédation souvent opérée par les fonds d’investissements internationaux lors de  reprise de ces entreprises conduit en fin de compte à un appauvrissement de ces entités. Lorsque ce n’est pas des disparitions avec des licenciements à la clef (tout cela à cause du rendement exigé par les nouveaux propriétaires et l’application trop fréquente du mécanisme du LBO).

Un fonds d’investissement long terme pour la Bretagne pourrait être la solution :

Ses objectifs seraient les suivants :

  • D’abord une affectation de l’épargne régionale à des projets structurants. Ce point permettrait de donner du sens à l’épargne pour les personnes en recherche de sens – voir les fonds éthiques. Mais il nécessite la définition d’une vision stratégique à long terme (les secteurs à promouvoir par exemple)
  • Puis le maintien du tissu économique en évitant la captation par des fonds spéculatifs.
  • Satisfaire les besoins sur le long terme et les secteurs qui nécessitent des engagements lourds (industrie).
  • Obtenir une garantie pour l’épargnant et une stabilité  pour l’entreprise (quasi fonds propres).

L’émission d’obligations.

Ainsi au niveau technique, l’instrument financier possible pourrait être l’émission d’obligations à dix ans ou plus renouvelables.
Ce fonds pourrait intervenir lors de cessions d’entreprise sur le moyen et long terme. Afin de préserver la cellule sociale et territoriale qu’est l’entreprise et permettre de maintenir des managements familiaux de qualité ou bien de favoriser le management par les acteurs salariés en place de l’entreprise.

La mobilisation de cette épargne vers un tel outil dépendra d’un seul mot : la confiance donnée.

Car cette confiance, c’est d’abord celle des épargnants qu’il faut conquérir par les meilleures compétences. Par une obligation de réussite et une transparence totale sur le mécanisme mis en place. Cette confiance des épargnants est à gagner sur  le long terme. Un tel fonds n’aura pas une vision « court termiste » de l’économie. Mais il prolongera sa vision dans une véritable stratégie territoriale sur le long terme.

Puis il conviendra aussi d’obtenir la confiance des intermédiaires financiers sans lesquels ce projet ne pourrait voir le jour. Dans le domaine politique, cette confiance devra s’exercer dans la réglementation fiscale et sociale trop instable ces dernières années. Il faut absolument rassurer l’investisseur sur l’issue de son placement long terme. Enfin il devra aussi être simple et compétitif avec les autres placements notamment immobiliers.

Cette confiance se construira avec une communication efficace, transparente et pédagogique.
La Bretagne pourra alors rester fière de la véritable prise en main de son économie en lien avec sa population.
Faire nous-mêmes le plus rapidement possible.

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2 commentaires

ciib 20 octobre 2016 - 8h34

Bonjour,
Je partage totalement l’idée que l’épargne locale doit s’investir dans les entreprises locales ou régionales.
Dans les diverses hypothèses que vous émettez pour rassembler et orienter cette épargne vous n’évoquez pas le CiiB qui milite depuis 1991 pour une solution d’investissement direct dans les entreprises

Je suis un des dirigeant du cabinet CiiB qui à été le principale des animateurs des 7 bourses régionales : Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nantes, Nancy, Paris.
Les banques ont fermé les bourses après avoir racheté les Agents de change et ont proposé à la place leurs fonds commun avec des prélèvements de commission pour les particuliers pouvant se monter sur 7 ans à plus de 30 % (Rapport 2009 M 066 03 IGF Inspection Générale des Finances)

Depuis la fermeture des bourses régionales en 1991 Le CiiB a recherché et mis en place un concept de remplacement le Carnet d’annonces qui permet à l’épargne locale et régionale d’investir en direct dans les entreprises je vous invite à découvrir nos sites Nous recherchons des correspondants
http://www.bourse-de-voisinage.com et http://www.CiiB.fr

Vous ne nous avez pas cité comme étant la solution possible pour financer les entreprises avec l’épargne locale
Apparemment vous ne connaissez pas CiiB et réciproquement CiiB ne vous connaissait pas

Il serait bon de nous rencontrer je vous adresse le téléphone de Frédéric HUIGNARD il habite Vitré. Il milite avec CiiB Il était dans les années 80 responsable de la communication financière pour les entreprises à la cote Desfossés
Nous avons retweeté votre excellent article sur https://twitter.com/bourseslocales et sur
Cordialement

Didier et Jean SALWA

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salwa jean didier 25 octobre 2016 - 11h43

LE SAVIEZ VOUS ? L’actionnariat populaire qui est la diffusion progressive de l’actionnariat dans des couches de plus en plus modestes de la population, avait pris en France une dimension explosive sous l’impulsion de Jacques Delors, en passant de 2 millions d’actionnaires en 1982 à 10 millions en 1991. Cette diffusion s’est développée à partir des 7 bourses régionales Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nancy, Nantes et Paris dans le cadre de l’investissement direct dans les entreprises locales et régionales. Ce sont les PME qui ont attiré les épargnants.
La fermeture des bourses régionales en 1991 à entrainé un reflux de cet actionnariat populaire direct ramenant en 2015 au dessous de 3 millions d’investisseurs directs dans les entreprises qui se ont été orienté vers les fonds d’investissements collectifs et les assurances vie.

Vous dirigez une TPE, ou une PME,
avec un véritable savoir-faire
et des opportunités de croissance
Vous souhaitez la développer L’actionnariat populaire,
vous connaissez ? et si vous l’utilisiez ?
CiiB peut vous accompagner (site http://www.ciib.fr)
en vous proposant,
pour financer son développement,
d’ouvrir son capital aux particuliers de votre région
Vous connaitrez en permanence vos actionnaires, au nominatif pur.

L’EPARGNE DU TERRITOIRE RESTE DANS LES PME DU TERRITOIRE !

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