des fourmis en Bretagne

Des fourmis à l’assaut de la Bretagne ?

de Stéphane BROUSSE
Publié le Dernière mise à jour le


Depuis quelques années maintenant, la presse française et européenne fait état d’une invasion silencieuse mais bien réelle, celle de Tapinoma magnum, une minuscule fourmi originaire des rivages méditerranéens.
Les entomologistes sont sur le pied de guerre, car la bestiole, féconde et coriace, pourrait bien être invasive. Elle a été observée en Loire Atlantique et serait désormais aux portes de Rennes / Roazhon…

Identification et comportement

Tapinoma magnum a été identifiée en 1861.
À moins d’être un myrmécologue averti, il vous sera sans doute difficile d’identifier Tapinoma magnum. Voici quelques éléments qui vous permettront cependant de reconnaitre cet inopportun hyménoptère.
La taille moyenne de cette bestiole est plutôt modeste ;: la moyenne serait trois millimètres.
Sa tête, plus ou moins grosse, affiche 0.778 et 1.238 mm de long et 0.683 à 1.246 mm de large.
Il existe un polymorphisme marqué entre les ouvrières quant à la taille qui varie de deux à cinq millimètres. Tapinoma magnum est brune voire noire. Le bout de ses pattes et de ses antennes est plus clair, tirant tantôt sur le beige, tantôt sur le ocre. Son thorax est allongé et son abdomen ovale.

Les myrmécologues affirment que ce qui permet sans conteste d’identifier Tapinoma magnum, c’est sa forte odeur de beurre rance ou de vieux roquefort, lorsqu’elle est écrasée entre deux doigts !
La bestiole est véloce et grégaire : ses colonies sont démesurées d’où son nom de magnum. La bestiole est aussi agressive et sait défendre avec âpreté son territoire.
Rassurez – vous elle mord mais ne pique pas !

Les fourmis en Bretagne
Les fourmis en Bretagne

Origine et biotope

Soixante quatorze espèces de Tapinoma ont été identifiées sur notre planète.
En France, six espèces seraient présentes, Tapinoma ibericum, Tapinoma darioi, Tapinoma melanocephalum, Tapinoma simrothi. Tapinoma nigerinum et bien sûr Tapinoma magnum.
Cette dernière a été observée en France métropolitaine en 2004, mais, hormis quelques spécialistes personne, ne semble à cette époque se préoccuper de cette dispersion. Elle a également été observée beaucoup plus récemment dans les pays limitrophes, Suisse, Belgique, Allemagne, Pays Bas …

La créature est très présente en Corse.
Dès 2017, elle est repérée sur la côte méditerranéenne entre Narbonne et Marseille. Dans le sud ouest et dans la région lyonnaise, elle commet déjà de nombreux dégâts urbains et sub – urbains. Il semble que les milieux citadins pauvres en biodiversité lui conviennent parfaitement. Elle a également été observée en Alsace. En Saumurois, sur les rives de la Loire, les autochtones et les édiles lui ont déclaré en 2020 une guerre impitoyable … qu’ils ne sont pas encore parvenus à gagner !

Des articles récents, confirment sa présence en Loire Atlantique, à Batz sur Mer / Bourc’h Baz, au Croisic / Ar Groazig, à la Baule / Ar Baol, à Saint Lyphard / Sant Lefar et à Ancenis / Ankiniz … Tapinoma magnum est depuis un peu plus d’une année présente aux portes de Rennes / Roazhon , sur la commune de Saint Grégoire / Sant Gregor.

Cet hyménoptère est originaire du bassin méditerranéen.
C’est une espèce dite thermophile en raison de son goût pour les milieux chauds et secs. Elle prospère habituellement sur les plages sablonneuses, les zones rocailleuses, les espaces ouverts et peu végétalisés. Elle apprécie aussi, n’en déplaise aux jardiniers, les pelouses et les potagers trop bien entretenus. Enfin, appréciant le confort, vous pouvez la retrouver squattant vos intérieurs. Les tableaux électriques et les structures en bois semblent avoir sa préférence. Tapinoma magnum est aussi une engeance pour les maraichers et les agriculteurs.

Tapinoma magnum, une fourmi invasive en Bretagne
Tapinoma magnum, une fourmi invasive en Bretagne

Parmi les fourmis en Bretagne, Tapinoma magnum est-elle une espère invasive ?

La dispersion rapide de Tapinoma magnum suscite évidemment bien des questions.

D’où vient-elle ?

Les spécialistes s’accordent à penser qu’elle serait arrivée dans les pots et bacs des jardineries et / ou des pépinières. La mode des oliviers et des palmiers venus de zones méridionales et implantés dans nos parcs et jardins, ne serait pas étrangère à sa présence.

Pourquoi prolifère t-elle ?

Tapinoma magnum est très adaptative. Elle apprécie certes les climats tempérés et chauds, mais ne redoute pas spécialement les climats plus rigoureux. Il est fort probable d’ailleurs, que le réchauffement climatique favorise son expansion géographique. Tapinoma magnum constitue des méga colonies au sein desquelles coexistent parfois plus de trois cents reines, qui, affirment les spécialistes, peuvent vivre plusieurs années, assurant ainsi la prospérité de la colonie.

L’espèce est ainsi dite polygénique.

Elle se reproduit très vite au dépend des espèces autochtones dont elle se débarrasse en occupant les biotopes.
Les vols nuptiaux débutent en avril. L’activité est à son comble durant les mois les plus chauds, de juin à août. Durant la période hivernale, Tapinoma magnum se réfugie à trente ou quarante centimètres sous terre en attendant des jours meilleurs. Tapinoma magnum est en outre très vorace et peu difficile quant au choix de ses aliments : débris végétaux, restes animaux, fruits, légumes. Si vous ne souhaitez pas aiguiser son appétit ne laissez surtout pas trainer de reliefs de repas dans vos maisons !

Peut – on limiter sa propagation ?

Difficile nous disent les scientifiques et les spécialistes de l’éradication car elle résiste à priori aux insecticides classiques et à la terre de diatomées. De nouveaux traitements sont à l’étude, des néonicotinoïdes qui ne sont pas comme chacun sait sans conséquences sur les insectes, les abeilles entre autres. Une autre technique plus pointue permettant de stériliser les reines est en cours d’évaluation.
Tapinoma magnum n’est pas encore classée espèce invasive, mais, si nous n’y prenons pas garde, cet hyménoptère pourrait bien entrer rapidement dans ce classement car elle en possède toutes les qualités, capacité d’adaptation, voracité, capacité reproductive, absence de prédateurs.
Au printemps prochain, surveillez donc votre courtil et votre maison, car il se pourrait bien qu’elle soit déjà là …

Des fourmis en Bretagne : références

https://www.osmia-journal-hymenoptera.com/uploads/1/3/2/6/132680733/lenoir-et-al-2023-expansion-fourmis-tapinoma-france_osmia-11.pdf
https://antarea.fr/wp/wp-content/uploads/2022/04/Gouraud-et-Kaufmann_2022-Tapinoma.pdf

Des fourmis en Bretagne : crédits photographiques

@ Bart Zijlstra
@ Arnstein Staverløkk

En dehors des fourmis, d’autres espèces animales invasives en Bretagne …

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