Jonathan Le Bris

Entretien avec Jonathan Le Bris, l’homme qui revendique sa nationalité bretonne…

de Erwan LE GARLANTEZEC
Publié le Dernière mise à jour le

Entretien avec Jonathan Le Bris, l’homme qui revendique sa nationalité Bretonne…

Jonathan, c’est la première fois qu’une action contentieuse est intentée sur ce thème ?

Oui à ma connaissance.

Tu as d’abord fondé tes recours sur le droit Français ?

J’ai pris l’initiative de demander à Lorient / An oriant, ma mairie de naissance, mon extrait d’acte de naissance portant la mention : « né de nationalité Bretonne et de citoyenneté Européenne« . Cette demande m’a été refusée par le procureur de Lorient / An Oriant. Ce qui m’a poussé à ester en justice, le 13 mai 2016, près le Tribunal d’Instance de Rennes, en vue de répudier ma nationalité française, au profit de la « reconnaissance par la France de ma nationalité Bretonne, de citoyenneté Européenne ».

Ma demande a été refusée, ce qui m’a amené, le 14 juin 2017, à assigner le Ministère Public devant le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Nancy. Le 21 mai 2019, le TGI de Nancy a rejeté ma demande de reconnaissance de la nationalité Bretonne. Puis la Cour d’appel a confirmé ce rejet le 13 avril 2021, rejet qui me pousse aujourd’hui à former un pourvoi en cassation, dernier recours en droit français avant de pouvoir faire appel au droit supra-national, via le Conseil des Droits de l’Homme à l’ONU, par application du protocole facultatif attaché aux Pactes Internationaux (PIDCP-PIDESC), composantes intégrantes de la Charte Internationale des Droits de l’Homme.

Quels arguments as tu fait développer par ton avocat ?

D’un point de vue factuel, j’ai demandé au tribunal de prendre en considération l’affaire des « prénoms bretons » de la famille Le Goarnig, qui, pour la première fois, faisait mention d’une nationalité Bretonne de citoyenneté Européenne par voie de presse. Sur un plan juridique, j’ai d’abord invoqué le Traité de Nantes du 19 janvier 1499, aussi appelé Traité de souveraineté de la Bretagne. En effet et de manière totalement arbitraire, l’édit de 1532 est venu remplacer le Traité de Nantes.

Hors, dans la hiérarchie des normes de Hans Kelsen, un édit, qui est une simple loi (unilatérale), ne peut pas annuler un traité international (bilatéral).
Ce processus est donc illégal et suivant ce principe, le Traité de Nantes de 1499, qui consacre la souveraineté de la Bretagne, est toujours en vigueur au regard du droit international public. Sa clause n° 6 mentionne les droits de la Bretagne, qui bat sa monnaie, et consacre expressément la séparation des deux couronnes bretonne et française. D’où en découle l’existence juridique de notre nationalité.

Donc la Bretagne est toujours indépendante juridiquement au regard du droit international public ?

Considérant les principes du droit, je pense qu’on peut le dire, oui (sourire).

On retrouve effectivement l’argumentaire dans les livres d’Histoire qui font autorité. Comme, de ton point de vue, il n’y a rien à attendre de la part des juridictions Françaises, tu passes au contentieux international ?

Conscient depuis le départ que je ne pouvais rien attendre de la justice française, mon intention a toujours été d’épuiser tous les recours de droit interne, dans le seul but de bénéficier d’un droit supra-national. Cela consiste à recourir à la procédure de requête du Conseil des Droits de l’Homme à l’ONU, pour violation de nos droits internationaux et fondamentaux. En l’espèce le Traité de Nantes de 1499.

Par ailleurs, l’article 15-2 de la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen proclame que « nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité ». Enfin, je m’appuie sur des pactes internationaux de 1966 (articles 1, 2 et 5), ratifiés par la France en 1976, qui constituent un texte juridiquement contraignant, lequel s’inscrit dans la Charte Internationale des Droits de l’Homme.

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Comme le député breton Paul Molac, de nationalité bretonne

J’ai cru comprendre que la procédure est pour toi un sacrifice financier énorme ?

Concernant la cassation, en passant par une demande d’aide juridictionnelle qui, dans mon cas, devrait prendre en charge 55 % des frais de procédure, je dois débourser entre 1.500 et 3.000 euros, en fonction de l’avocat au conseil qui sera choisi. Pour la partie à payer par mes soins, j’ai mis en place une cagnotte solidaire. Ceci dans le seul objectif de poursuivre la procédure en droit français. La totalité des sommes récupérées étant réservées exclusivement à cette fin (les justificatifs seront transmis).
Voici le lien internet vers la cagnotte : www.lepotcommun.fr/pot/yxx0erkl

Il me semble que tu as été condamné au civil pour « procédure abusive » ?

Oui, condamné à 1.000 € par le TGI de Nancy. Ce qui représente presque un mois de revenus pour moi. Suite à cette condamnation à mille euros, j’ai voulu faire valoir en appel ma résistance à l’oppression politico-judiciaire sur le fondement de l’article 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (D.D.H.C.) de 1789, qui mentionne que la résistance à l’oppression est l’un de nos droits naturels et imprescriptibles.

Mais on a refusé de prendre en compte mon appel sur cette amende qui, à mon sens, reste une oppression tant politique que judiciaire. Le tribunal a également jugé que je n’avais pas lieu, dans cette affaire, de faire valoir mes droits les plus fondamentaux issus de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ( D.U.D.H.). Il n’a pas pris non plus en considération le fait que j’en référais à des pactes internationaux, que la France, en tant qu’État, était sensée avoir ratifiés.

Je suis très surpris par cette condamnation car, en ce qui te concerne et en France, c’est une première procédure.
D’ordinaire, ces amendes ne sont prononcées que pour des contentieux réellement abusifs et répétitifs, par exemple vis à vis du requérant qui attaque x fois de suite son voisin sur le même thème et se fait invariablement débouter.
Le conseil départemental du Territoire de Belfort t’a également mis gravement en difficulté, en t’enlevant tes enfants pendant plusieurs jours ?

Effectivement, hormis le cadre de la Bretagne, la base de mon militantisme s’appuie sur le respect des principes et valeurs de démocratie réelle. Ainsi que sur le respect de nos droits les plus fondamentaux. C’est dans ce cadre, que j’ai rejoint le mouvement des Gilets Jaunes (GJ) revendiquant, pour le bien commun, la mise en place d’un referendum d’initiative citoyenne (R.I.C.) et l’exercice d’une démocratie dite « participative ».

Mon implication au sein des G.J. a fait que les autorités m’ont désigné comme l’une des figures départementales et inter-départementales de ce mouvement dans le Grand-Est. Et c’est suite à des écrits se faisant écho de ma colère face à tant d’oppression et de répression à l’encontre de nos populations, que ces mêmes autorités ont ordonné mon arrestation et une perquisition à mon domicile.

Cela fut, pour moi, un déchirement car, si je m’attendais, en tant que militant, à une certaine répression sur ma personne, je ne pensais pas et ne voulais pas que cela mette à ce point ma famille en danger. Pour mes filles, ma femme, innocentes dans cette histoire, cela a été un vrai traumatisme, car loin de pouvoir s’imaginer de telles actions à leur encontre… J’en paie d’ailleurs le prix, car j’ai été placé pendant plus d’un an et demi sous contrôle judiciaire, pour finir sur un procès et une condamnation de six mois d’emprisonnement avec sursis et sur une période de cinq ans.

Certains diront que le message a été on ne peut plus clair …

« Si vous ne lâchez pas prise, on s’en prendra à votre famille, puisqu’on n’arrive pas à vous atteindre directement ». J’ai reçu, par ailleurs, nombre de messages d’anciens militants, chez qui cela avait réveillé de vieux et tristes souvenirs, concernant ce qu’ils avaient eux mêmes vécus.
Je terminerai au sujet de ma famille en rappelant que, suite à des constatations des services sociaux, les filles nous ont été rendues au bout de quinze jours, après avoir été placées en famille d’accueil, qu’elles en ont fait des cauchemars pendant des mois, qu’elles ont été suivies par des psychologues et que la juge pour enfants, au bout des six mois de suivi par les services sociaux, a ordonné un non-lieu sur toutes les charges dont nous avions fait l’objet de la part des autorités. Pour finir, je dirai que cela aura été une véritable épreuve et nous y avons fait face ensemble.

C’est absolument terrifiant.
Ce que j’en retiens aussi, c’est qu’il faut passer un coup de balai quotidiennement dans son domicile, sous peine de se faire enlever ses enfants ?

Effectivement, le fait de militer face à un État nous expose inévitablement au regard de cette même autorité. Laquelle cherchera la moindre faille pour vous attaquer, quitte à extrapoler ou exagérer des faits. De manière plus légère, nous pourrions dire qu’être militant breton et/ou Gilet Jaune implique également, au regard des autorités, de devoir être une sorte de fée du logis (rire).
Irréprochable en tous points, au risque que cela ne serve la partie adverse…

Le mot de la fin Jonathan ?

Les lecteurs l’auront compris, concernant la reconnaissance par la France du peuple breton, via la reconnaissance de sa véritable nationalité, même si je suis de citoyenneté européenne, je souhaite poursuivre jusqu’au bout cette procédure.
Mais mes moyens restant limités, j’aurai besoin de l’appui et de la solidarité de tous dans cette affaire.

Par cette démarche, j’explore une méthode qui n’a encore jamais été éprouvée et qui pourrait nous ouvrir les portes d’une « médiation » internationale face à un État qui ne respecte pas nos droits. Cette démarche concerne la question bretonne. Et si on considère l’impact de l’affaire dite des « prénoms bretons », cette procédure pourrait également faire jurisprudence en faveur d’autres peuples, que l’on pourrait considérer comme étant « sous tutelle Française ».
C’est un combat en cours, il ne tient qu’à moi, qu’à nous, de le mener à son terme.

Merci beaucoup Jonathan.
Moi, j’aime bien la formule de George Orwell dans la Ferme des Animaux : « tous les hommes sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres »…

Merci a toi Erwan.

Pour soutenir Jonathan dans sa juste demande

« Sur le chemin de la reconnaissance »…
Pour la reconnaissance de nos langues ( Breton-gallo ),
pour la reconnaissance de notre territoire ( B5 ), la reconnaissance de notre histoire, de notre culture, de notre enseignement…
Pour la reconnaissance de notre peuple…
En soutien a une procédure de pourvoi en cassation face au Ministère public pour la reconnaissance des droits historiques et culturels, de la Bretagne son territoire et son peuple.
En soutien a cette procédure politique et judiciaire visant a la reconnaissance par la France de notre « Nationalité Bretonne de citoyenneté européenne et/ou française ».
Je vous partage ce lien vers une cagnotte servant intégralement au financement de cette lutte politique et judiciaire pour la reconnaissance de la Bretagne en tant que territoire et peuple distinct…
Sincèrement militant,

Le Bris Jonathan.

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1 commentaire

Penn kaled 16 août 2021 - 10h22

Le Nalvany Breton ? De fait ,globalement le mouvement breton subit une répression insidieuse ,qui place les militants dans une dissidence , le marginalise ,avec pour conséquence des tendances vers les extrémismes de droite ou gauche ce qui éloigne ce mouvement d’une population globalement modérée sur le plan politique .

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