le symbole en Bretagne

Le symbole en Bretagne

de NHU Bretagne

Le symbole en Bretagne, l’objet de l’humiliation pour les locuteurs bretons à l’école

L’histoire du symbole en Bretagne, aussi appelé parfois « la vache », est un épisode sombre de la terrible répression linguistique qui sévit en Bretagne. Pendant de nombreuses années, cet objet dégradant a été utilisé dans les écoles de Bretagne occidentale pour punir les élèves bretons qui parlaient leur langue maternelle, le breton.

Enraciné dans une époque où la langue française voulait s’imposer par la force comme la seule langue officielle de la République, ce système discriminatoire avait pour but d’accélérer l’assimilation linguistique des enfants bretons en les incitant à abandonner leur langue d’origine. Cet épisode témoigne de la violence symbolique exercée sur des générations de Bretons et s’inscrit dans une politique plus large d’effacement des langues régionales par le pouvoir central jacobin français.

« Rapport sur la nécessité et les moyens d’anéantir les patois et d’universaliser l’usage de la langue française » – Abbé Grégoire 1794
« Rapport sur la nécessité et les moyens d’anéantir les patois et d’universaliser l’usage de la langue française » – Abbé Grégoire 1794

Qu’est-ce que le « symbole » en Bretagne ?

Le « symbole » est une sorte d’objet, souvent un morceau de bois (comme ici sur l’illustration principale de l’article), un médaillon ou parfois même un objet ridicule, qui servait à identifier les élèves qui avaient parlé breton durant la journée scolaire. Chaque fois qu’un enfant breton était surpris à parler sa langue maternelle à l’école, il devait porter cet objet jusqu’à la fin de la journée, à moins qu’il ne réussisse à le « transmettre » à un autre élève également qu’il devait surprendre en « délit » de parler breton, et le dénoncer. Le système reposait donc sur la dénonciation mutuelle, créant un climat de surveillance et de méfiance parmi les élèves.

Le porteur du symbole à la fin de la journée recevait une punition supplémentaire, souvent sévère, marquant ainsi l’échec de l’élève à « se conformer » à la norme imposée par l’école républicaine française, qui cherchait à faire du français la langue exclusive d’enseignement et de communication.

Un contexte historique marqué par la répression des langues dites « régionales »

Le phénomène du symbole s’inscrit dans un cadre plus large de répression des langues qualifiées par Paris de « régionales » en France au XIXe et XXe siècles. Depuis la Révolution française, l’État français s’est engagé dans une politique d’unification linguistique, avec l’idée que la langue française devait être la seule et unique langue de la République. La loi Jules Ferry de 1882, qui rend l’enseignement primaire obligatoire et gratuit, stipulait également que le français devait être la seule langue d’enseignement.

Les langues originelles de l’Hexagone, dont le breton, étaient perçues comme de prétendus obstacles à l’unité nationale et à la modernisation du pays. Les autorités scolaires considéraient que parler une langue autre que le français était synonyme de « retard » et de « barbarie ». Ainsi, dans les écoles de Bretagne, le breton était activement découragé, et des moyens répressifs, tels que le symbole, étaient mis en place pour en dissuader l’usage.

« Il est défendu de parler breton »
« Il est défendu de parler breton »

Le rôle du symbole dans la stigmatisation des locuteurs bretons

En Bretagne, le symbole ne représentait pas seulement une punition physique ou disciplinaire. Le symbole y était avant tout un outil d’humiliation publique. En désignant un enfant comme « coupable » d’avoir parlé sa langue maternelle, le symbole le rendait « inférieur » aux yeux de ses camarades et du corps enseignant. Ce système répressif encourageait activement une forme d’autocensure parmi les enfants, qui, par peur d’être punis, renonçaient progressivement à parler leur langue, même en dehors du cadre scolaire. Et cela au profit d’une langue étrangère violemment imposée.

Les coups de règles pleuvaient sur les doigts des enfants, les gifles claquaient jusqu’à ne plus rien entendre, la ligne « je ne parlerai plus patois » à copier cent fois, et quelques autres châtiments, pour ne pas dire tortures, que ces dernières soient physiques ou psychologiques. C’était purement du « dressage d’enfants bretons institutionnalisé » (Jean Luc Laquittant)

Ce climat de délation entre élèves aggravait le sentiment de honte associé à l’usage du breton, considéré par les autorités comme une langue inférieure ou inappropriée. Cette stigmatisation avait des répercussions profondes sur l’identité des jeunes générations bretonnes, qui, à force d’être humiliées, étaient poussées à renoncer à leur culture linguistique et à adopter le français comme seule langue légitime.

symbole si ma langue maternelle menace les fondations de votre état, cela signifie probablement que vous avez construit votre état sur mes terres
« Si ma langue maternelle menace les fondations de votre état, cela signifie probablement que vous avez construit votre état sur mes terres / Mar kinnig diazez ho Stad bout lakaet en arvar en abeg da’m yezh vamm, se a dalvez emichañs hoc’h eus savet ho Stad war va douar »

Les conséquences de l’usage du symbole sur la langue bretonne

Le symbole en Bretagne a joué un rôle majeur dans l’érosion progressive de la langue bretonne au sein des jeunes générations. En décourageant son usage à l’école, lieu central d’apprentissage et de socialisation, le système éducatif répressif français a peu à peu réussi à limiter la transmission intergénérationnelle du breton. Les élèves, contraints de parler uniquement le français à l’école, revenaient souvent à la maison en ayant honte de parler breton avec leurs parents et grands parents, créant ainsi un fossé linguistique et culturel d’une rare violence au sein des familles.

Au fil du temps, cette politique a conduit à une francisation massive et contrainte des jeunes générations bretonnes. Alors que le breton était encore la langue majoritaire en Bretagne occidentale au début du XXe siècle, son usage a considérablement diminué au cours des décennies suivantes, en grande partie à cause de ces mesures coercitives dignes de régimes totalitaires que ce même pouvoir central dénonce aujourd’hui ailleurs.

débretonnisation
Harz d’an divrezhonekaat / Stop à la débretonnisation

Le symbole, reflet d’une violence symbolique institutionnalisée

En Bretagne, le symbole, au-delà de son rôle punitif, symbolisait également la violence symbolique exercée par l’État français sur les minorités ethniques et linguistiques. Cette forme de violence est d’autant plus pernicieuse qu’elle s’insinue dans la vie quotidienne des individus, les amenant à intégrer eux-mêmes les normes et les valeurs de ceux qui les dominent. En contraignant les élèves bretons à dénoncer leurs camarades et à abandonner la langue de leurs ancêtres, le système éducatif français les poussait à se conformer à une identité monolingue dominante.

Cette violence symbolique a laissé des traces profondes dans l’imaginaire collectif breton. De nombreux témoignages de Bretons ayant vécu cette époque relatent encore aujourd’hui la honte et l’humiliation ressenties à l’époque, ainsi que la rupture avec leurs racines culturelles. Certains parlent d’un sentiment de « trahison », ayant été contraints d’abandonner une partie de leur héritage familial pour s’intégrer à la société française.

Le retour du breton : une réappropriation nécessaire

Malgré les efforts de répression linguistique exercées par Paris, la langue bretonne n’a jamais complètement disparu.
À partir de la seconde moitié du XXe siècle, un renouveau culturel breton a vu le jour, notamment grâce à des mouvements associatifs et militants qui ont œuvré pour la sauvegarde et la promotion de la langue. Les écoles Diwan, créées dans les années 1970, ont été parmi les premières à proposer un enseignement immersif en breton, permettant à une nouvelle génération de réapprendre la langue de leurs ancêtres.

Aujourd’hui, le breton est reconnu comme une « langue régionale de France » et bénéficie d’un certain soutien institutionnel, bien que son usage reste encore marginal par rapport au français dominant imposé.

Le symbole reste aujourd’hui une arme de la répression linguistique en Bretagne.

Cet objet, utilisé pour humilier et punir les enfants bretons qui parlaient leur langue maternelle, reflète une époque où l’unification linguistique de la France se faisait au prix de l’effacement des langues régionales. Les conséquences de cette politique ont été profondes, conduisant à une dévalorisation de la langue bretonne et à une francisation massive et violente de la population de Bretagne occidentale.
Toutefois, le renouveau actuel de la langue bretonne et les efforts de réappropriation identitaire témoignent d’une résistance culturelle forte, prête à redonner vie à un patrimoine longtemps stigmatisé.

Illustration NHU Bretagne.
Dessin de Xavier Langlais
Photo du mot « breton » sculpté dans un morceau de bois exposé au Musée de Botoha (Bothoa en langue française)

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