parler en breton

Parler en breton ou parler en franton ?

de NHU Bretagne

Parler en breton

Comme la musique, une langue qui n’évolue pas avec son temps finit par se scléroser, s’anémier, et disparaître.
Une langue qui évolue est une langue en meilleure santé. Et quand on est en meilleure santé, on vit plus longtemps.
La langue est le reflet de notre identité, de notre Histoire, de notre culture.
Le brezhoneg / breton, langue vivante du XXIe siècle, évolue donc dans son temps, comme toutes les langues vivantes du monde.
Donc tout le contraire d’une langue musée, figée et appartenant au passé, où certains rêvent d’enfermer le brezhoneg.

Pourquoi faut-il créer de nouveaux mots pour parler en breton ?

Un nouveau mot créé est ce qu’on appelle un « néologisme »*
Une langue comme le breton doit impérativement, comme les autres langues vivantes, s’adapter à l’époque, aux nouveaux objets, aux nouvelles idées, aux nouvelles technologies.
Notre société évolue très vite. Regardez la révolution informatique depuis une vingtaine d’années, et le nombre de nouveaux mots nécessaires pour désigner tous les nouveaux termes. Parmi ces nouveaux mots : pirate informatique, e-mail, internaute, clavier, souris … pour n’en prendre que quelques-uns parmi les plus simples. Ces mots doivent être créés en breton comme ils l’ont été en croate, en islandais ou en tamoul.

La définition d’un néologisme est simple.

Un néologisme est un mot nouveau ou apparu récemment dans une langue.
Néologisme n’est pas un gros mot, et oui, pour l’avenir de notre langue celtique, nous devons créer des néologismes bretons.

Comment dit-on « néologisme » en brezhoneg ?
« Néologisme » se traduit en breton par Nevezc’her, de Nevez pour « nouveau » et de Ger pour « mot« , qui mute ici de Ger en C’her.

En breton, imiter une autre langue ou créer ses propres mots ?

Le débat est ancien et permanent.

Notre langue a été tellement moqué et contrainte depuis des siècles par l’État central, qu’elle s’est gelée, devenant incapable de générer un nouveau vocabulaire pour suivre les évolutions, comme cela fut le cas pour quasiment toutes les langues parlées en Europe.

Bien entendu, c’est d’abord la faute du pouvoir central cherchant par tous les moyens à réduire notre langue, à l’éradiquer. Mais ce fut aussi la faute de nos ancêtres qui ont trop passivement accepté ce traitement humiliant. Mais pouvaient-ils faire autrement à l’époque ?
Avec la prise de conscience du XXe siècle, il a fallu rattraper le retard. Donc créer une multitude de nouveaux mots et expressions.

Nos anciens disaient « velo » ou « bisiklet » pour « vélo« , faute d’un mot breton disponible.
« Bicyclette » se dit Marc’h-houarn, littéralement « Cheval de fer » (le breton est une langue très imagée).
Encore aujourd’hui, certains brittophones disent « ordinateur » en langue française, ou « ordinatur » en franton, faute d’avoir appris urzhiataer, le néologisme existant.

On voit même des « mersi« , formule ridicule imitant la langue dominante, alors que nous disposons de Trugarez pour traduire le « merci » français. C’est ce que nous appelons le « franton » : un mot français ridiculement bretonnisé en remplaçant un C qui n’existe pas en breton, ou en ajoutant un tilde pour avoir l’air un peu breton (comme le franton « boulañjer » pour Baraer)
Autre exemple de franton : « ambulañs » pour Klañvgarr (de Klañv pour « malade » et Garr de karr (avec mutation du k en g) pour « automobile« .

Klañvgarr en breton, « ambulañs » en franton et « ambulance » en français
Klañvgarr en breton, « ambulañs » en franton et « ambulance » en français

Qu’est-ce qu’un lexicographe ?

Le lexicographe est celui ou celle qui réalise le dictionnaire d’une langue.
Comment dit-on « lexicographe » en breton ? « Lexicographe » se traduit en breton par Geriadurour, de Geriadur pour « dictionnaire« . C’est Geiriadurwr en gallois, langue soeur du breton.

D’ailleurs, quel a été le premier dictionnaire en Bretagne ?

Le premier dictionnaire en breton était trilingue : brezhoneg, francoys et latin.
Il fut rédigé par un prêtre breton, Jehan Lagadeuc en 1464 et sera imprimé par Jehan Calvez (1496-1512) pour la première fois en 1499 à Tréguier / Treger sur la côte nord du pays.
La rédaction du Catholicon fut achevé le 16 Août 1464, et le manuscrit original est conservé à la Bibliothèque Nationale à Paris.


C’est Le Catholicon.
Le Catholicon sera par la même occasion le premier dictionnaire en langue française et le premier dictionnaire trilingue dans le monde. Le premier dictionnaire monolingue en langue française ne paraîtra qu’en 1680, deux siècles plus tard.
La première édition du Catholicon comprend 106 feuillets imprimés sur deux colonnes en caractères gothiques.
Nous sommes en 1464, la Bretagne est indépendante et gérée par Frañsez II (François II en langue française) qui règnera sur le pays de 1458 à 1488.
Chez nos voisins c’est Édouard IV en Angleterre, Seumas III / Jacques III en Écosse, Louis XI qui règne en France …

En France, les lexicographes Pierre Larousse et Paul Robert commenceront à diffuser leurs dictionnaires éponymes respectivement dès 1856 et 1945.

Alors, quel breton doit-on parler?

Certains brittophones sont partisans d’un breton dénaturé empreint de français, la langue dominante. Du « franton » parlé par des « frantonphones« . Voire de l’anglais. Selon eux, on devrait dire « football » (mot copié) et non Mell-Droad (mot breton créé, ou néologisme). On devrait dire « bicyclette« , mot emprunté à l’anglais « bicycle » vers 1880, au lieu d’utiliser Marc’h-Houarn, le mot breton créé.

On devrait donc apprendre des néologismes de langues étrangères mais pas des néologismes de notre propre langue.

Il est vrai que c’est une méthode efficace pour altérer une langue, l’étouffer, lui faire perdre sa magie, pour finalement la faire doucement disparaître.
Pour éradiquer une langue, il y a diverses méthodes, et l’Histoire nous l’a prouvé et nous le prouve encore de nos jours. Il existe des méthodes rapides et radicales, et d’autres plus lentes et plus discrètes. Affaiblir le vocabulaire d’une langue en refusant la création de néologismes en est une.

N’est-ce pas ce qui se passe également pour la langue française qui s’anglicise de plus en plus.
Nous ne parlons pas ici des apports normaux entre les langues depuis leurs origines. Mais bien de la volonté de certains d’affaiblir une langue, quelle qu’elle soit, par le refus de la moderniser et/ou par l’introduction voulue de vocabulaire de langues étrangères.

Existe t-il un débat pour savoir quel français parler ?

La langue française doit-elle se contenter de copier l’anglais dominant au lieu de créer des néologismes ?
En français , on dit « week-end » et « football » : quels sont les néologismes français pour ces mots-là : « fin de semaine » et « balle au pied » ?
Vous, quel français parlez-vous ?

Une langue est une extraordinaire alchimie qui s’est lentement formée durant des siècles. De fait, elle doit être respectée comme une véritable oeuvre du génie humain, entre la Joconde et les pyramides égyptiennes.

D’autres, et ils sont fort heureusement bien plus majoritaires, apprennent le nouveau vocabulaire créé.
Ils vivent avec leur temps au lieu de rester figés dans le passé.
Après tout, si une Bretonne, un Breton, peut apprendre le mot nouveau français « ordinateur » créé en 1955 par un certain Jacques Perret, pourquoi ne pourrait-il pas, ne devrait-il pas apprendre le mot nouveau breton urzhiataer ?

Le génie d’une langue, qui touche à l’âme du peuple qui la parle, doit être perpétué … quoiqu’il en coûte.

« La langue d’un peuple, c’est la peau de son âme » – Émile Masson, écrivain breton
« La langue d’un peuple, c’est la peau de son âme » – Émile Masson, écrivain breton

Réponses à deux premières remarques éventuelles …


– Stupide de parler de la manière de parler brezhoneg en français : NHU Bretagne est un média francophone et veut s’adresser ici et aussi aux francophones qui utilisent à l’occasion quelques mots de franton au lieu du brezhoneg. Les brittophones sont également francophones.
– Il faut laisser les brittophones parler le breton qu’ils souhaitent, même s’il est francisé. Parfaitement d’accord. Il faut également laisser NHU Bretagne écrire ce qu’il souhaite à propos de ceux qui parlent brezhoneg et de ceux qui lui préfèrent, souvent par ignorance, du franton.

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